Domicile vs résidence principale : comparons ces deux notions liées !

20 avril 2023 News juridique

Les annonces de kots contenant la mention « domiciliation interdite » sont fréquentes. Et pourtant, interdire la domiciliation c’est illégal. Cela peut paraitre surprenant, mais c’est plus clair lorsque l’on fait clairement la distinction entre les notions de « domicile » et de « résidence principale ». C’est ce que l’on tente de faire dans les lignes qui suivent.

Résidence principale

La « résidence principale » vise le lieu où une personne vit habituellement et effectivement pendant la majeure partie de l’année. Concrètement, il s’agit du lieu où la personne rentre après son travail, où elle dort, où elle dispose ses effets personnels, etc.

La résidence principale s’évalue au regard de la situation de fait et sera constatée par l’administration communale après enquête. Généralement, un agent de quartier viendra visiter le logement pour constater que la personne y habite effectivement. Suite à cela, la personne sera inscrite au registre de la population de cette commune (= domiciliation, cfr. ci-après). On le voit donc, les notions de « résidence principale » et de « domicile » s’entrecroisent et, en principe, le domicile doit coïncider avec la résidence principale.

Domiciliation

La « domiciliation » vise le lieu d’inscription au registre de la population. Ainsi, « toute personne qui veut fixer sa résidence principale dans une commune du Royaume ou transférer celle-ci dans une autre commune du Royaume doit en faire la déclaration à l’administration communale du lieu où elle vient de se fixer »[1]. La déclaration doit se faire dans les huit jours ouvrables qui suivent l’installation effective dans le nouveau logement[2]. Suite à cette déclaration, un agent de quartier effectuera une vérification dans les quinze jours ouvrables.

Coïncidence entre les deux

En principe, le lieu du domicile doit coïncider avec le lieu de résidence principale puisque la domiciliation officialise la fixation de la résidence principale dans une commune.

Il existe toutefois quelques exceptions à ce principe. Le plus connu est sans doute celui de l’étudiant. En effet, un jeune étudiant vivra peut-être dans un kot pendant la durée de ses études. Généralement, il revient le week-end chez ses parents et ne réside dans son kot que temporairement. On considèrera qu’il est temporairement absent de la commune dans laquelle il est domicilié et généralement, il ne se domiciliera pas dans son kot.

Conséquences de la domiciliation

Pourquoi les bailleurs souhaitent-ils interdire la domiciliation ? Il peut y avoir de multiples raisons, mais citons par exemple :

1° Éviter de se voir imposer un taux « cohabitant » au niveau des allocations sociales (chômage, CPAS, mutuelle,…).

Effectivement, si le bailleur habite dans le même bâtiment et bénéficie d’allocations sociales au taux « isolé », il pourrait être préjudiciable pour lui qu’une personne supplémentaire se retrouve sur sa composition de ménage.

2° Éviter (s’il s’agit d’un bien meublé) que les meubles ne soient saisis en cas d’insolvabilité du locataire.

Effectivement, si le locataire fait l’objet d’une procédure de saisie, l’huissier de justice peut saisir les meubles se trouvant au domicile du locataire.

3° Empêcher l’application des règles propres au bail de résidence principale.

La législation protège particulièrement les locataires si le bail est un bail de résidence principale. Les bailleurs ne souhaitant pas être liés par ces règles protectrices préfèrent dès lors interdire la domiciliation dans les lieux.

Les parents des jeunes sont également parfois partisans d’une interdiction de domiciliation : d’une part, parce qu’ils perdent l’avantage fiscal d’avoir un « enfant à charge » si ce dernier change d’adresse[3], d’autre part, parce que l’enfant qui change de domicile percevra lui-même ses allocations familiales[4].

Interdiction d’une clause interdisant la domiciliation

Selon Nicolas Bernard, « tout refus de domiciliation est (…) prohibé. Et le propriétaire n’est pas seulement interdit de refuser la domiciliation, il lui est défendu, plus en amont, de se mêler d’une affaire qui ne le regarde nullement »[5]. En effet, selon l’auteur toujours, la domiciliation est une démarche administrative impliquant une commune et un citoyen. Elle ne concerne donc, en aucun cas, le propriétaire d’un logement.[6]

La Cour de cassation estime, au surplus, que la domiciliation est un droit du citoyen. Si une personne remplit les conditions pour être inscrite sur le registre de la population, elle peut exiger que la commune l’inscrive dans ce registre. Logiquement donc, le bailleur ne peut pas s’immiscer dans cette relation entre le citoyen et la commune.[7]

Autorisation d’une clause interdisant établissement de la résidence principale

Contrairement à ce qui est prévu pour la domiciliation, le bailleur peut interdire au locataire d’établir sa résidence principale dans les lieux (ce qui pourrait, de facto, empêcher la domiciliation). Toutefois, cette interdiction est strictement encadrée par la législation.

En effet, le décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation prévoit ceci :

« Est réputée non écrite la clause interdisant l’affectation des lieux loués à la résidence principale du preneur lorsqu’elle n’est pas appuyée par une justification expresse et sérieuse, relative notamment à la destination naturelle des lieux, et n’est pas accompagnée de l’indication de la résidence principale du preneur au cours du bail. »[8]

Autrement dit, le bailleur peut interdire au locataire d’établir sa résidence principale dans les lieux qu’il loue si :

  • Il justifie cette interdiction de manière expresse et sérieuse ;

Par exemple, s’il s’agit d’un kot, la destination naturelle du logement n’est pas d’y établir sa résidence principale.

  • Il indique, dans le contrat de bail, l’adresse de résidence principale du preneur.

Tableau récapitulatif

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Les sources

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Dernière mise à jour : 15 avril 2023

Dans cette news juridique, le masculin est utilisé comme genre neutre et désigne aussi bien les femmes que les hommes.

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[1] Article 7, §1er de l’arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif aux registres de la population et au registre des étrangers.

[2] Article 7, §4 de l’arrêté royal précité.

[3] En effet, pour être considéré comme étant à charge des parents, l’enfant doit faire partie du même ménage qu’eux (https://finances.belgium.be/fr/particuliers/famille/etudiant/a_charge#q1).

[4] Article 22, §2, 2° du décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales.

[5] Bernard, N., « Un propriétaire a-t-il le droit d’interdire à son locataire de se domicilier (en camping résidentiel ou ailleurs) ? », J.L.M.B., 2022/20, n°4.

[6] Idem.

[7] Cass., 17 novembre 1994 (n° de rôle : C930052F).

[8] Article 52, §1er du décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation.

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