Dans l’actuelle crise sanitaire inédite que nous traversons, tu as sans doute entendu parler d’un gouvernement dit de « pouvoirs spéciaux » pour prendre les décisions liées au COVID-19. Mais, au fond, sais-tu ce que cachent les « pouvoirs spéciaux » en Belgique ? Faisons le point ensemble 🙂
Définition et origines en Belgique
Concrètement, on définit les pouvoirs spéciaux comme une extension temporaire des pouvoirs du gouvernement qui est habilité par le Parlement à abroger, compléter, modifier ou remplacer, seul, des lois pour faire face à une situation de crise.
En Belgique, les pouvoirs spéciaux sont peu activés. Toutefois, on relève quelques exemples comme le Gouvernement de Paul Van Zeeland (1935-1937) pour relancer l’économie par une dévaluation du franc belge (ancêtre de l’euro) ou encore suite aux deux chocs pétroliers (1973 et 1979), les Gouvernements Martens-Gol (± 1981-1987) vont également recourir à ce mécanisme.
Hormis lors d’une crise économique, l’urgence sanitaire peut aussi justifier l’adoption de pouvoirs spéciaux. Ce fut le cas avec le Gouvernement Leterme (2009) face à l’épidémie de H1N1 qui n’en utilisera que très peu à contrario du gouvernement actuel avec la crise du coronavirus.
Pouvoirs spéciaux >< Pouvoirs absolus
En adoptant deux lois d’habilitation le 26 et 27 mars 2020, le Parlement fédéral a donc accordé les pouvoirs spéciaux au Gouvernement Wilmès II. En somme, ces lois prévoient les circonstances (crise du Covid-19), la durée des pouvoirs spéciaux (3 mois renouvelable une fois au maximum) ou encore les matières où les décisions doivent être prises. Encore plus concrètement, le Parlement habilite le Gouvernement à prendre des arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux, numérotés, et qui seront ratifiés par le Parlement après la crise.
Actuellement minoritaire, le Gouvernement fédéral bénéficie néanmoins d’un soutien de 7 autres formations politiques (puis 6 avec le retrait de la N-VA) pendant la crise. Cependant, accorder les pouvoirs spéciaux ne signifie pas donner des « pouvoirs absolus » dans une démocratie. L’objectif est de trouver rapidement et efficacement des solutions pour répondre à la crise qui s’abat sur notre pays.
Le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale
Durant toute la durée des pouvoirs spéciaux, le Parlement fédéral conserve sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Son travail s’est poursuivi essentiellement en commissions parlementaires à distance, en continuant la prise en compte des questions et des interpellations de parlementaires aux ministres ou encore en utilisant le vote électronique lors des commissions ou des séances plénières (ex : propositions de lois).
La spécificité du contrôle des pouvoirs spéciaux du Gouvernement Wilmès II est la mise sur pied d’une commission permanente « Covid-19 » au Parlement fédéral. Cette commission a un champ de compétence très large puisque ses missions impliquent, comme pour les autres commissions, le contrôle du gouvernement ou encore l’examen des projets de lois pendant la durée de la crise.
Et la suite ?
En mars 2020, le Parlement habilitait le Gouvernement de pouvoirs spéciaux pour une durée de 3 mois, renouvelable une seule fois au maximum. Il n’en aura, finalement, fallu que la moitié pour retomber dans une impasse politique. Après 3 mois de crise sanitaire, lors des discussions au super Kern élargi (Conseil des Ministres élargi aux Présidents des partis politiques soutenant l’action du gouvernement), il a été décidé que l’aventure ne se poursuivra pas au vu de l’évolution de la pandémie en Belgique.
En d’autres termes, dès le 27 juin 2020, le Gouvernement Wilmès II ne dispose plus d’une assise et d’un soutien parlementaire suffisant pour faire passer les lois (76 sièges sur 150 pour une majorité) et entre en affaires courantes. Il appartient, à présent, aux décideurs politiques de former un Gouvernement fédéral de plein exercice qui continuera le travail mené dans la lutte contre la pandémie.
Enfin, même s’il est tôt pour dresser un bilan définitif des pouvoirs spéciaux « Covid-19 », trois éléments sont à mettre en évidence :
- La mise en place, historique, des pouvoirs spéciaux à tous les niveaux de pouvoir ;
- Une plus ample concertation entre l’État fédéral et les entités fédérées (ex : Conseil national de sécurité) ;
- La poursuite du contrôle par le Parlement de l’action gouvernementale et la création de la commission permanente liée au Covid-19 ;
Tu souhaites mieux comprendre les pouvoirs spéciaux ? Pour aller plus loin, consulte cet article paru dans le magazine spécial du mois de juin du Parlement fédéral ! 🙂