Discours politiques et rhétorique : ces (faux) arguments qui trompent notre jugement

22 décembre 2023 Citoyenneté, Justice & Aide à la jeunesse


Comme tu le sais sûrement, le 9 juin 2024, nous irons voter à la fois pour les élections européennes, fédérales et régionales. Qui dit année électorale, dit discours politiques sur de nombreux sujets de société : environnement, immigration, sécurité sociale, économie, etc. Cependant, par manque de temps, volonté de persuader ou simplement par mauvaise foi, il arrive que certaines personnalités politiques aient recours à des arguments fallacieux : des arguments à l’apparence logique mais dont le raisonnement est faux.

On peut distinguer deux types d’arguments fallacieux : les paralogismes qui reposent sur une erreur de raisonnement involontaire, et les sophismes qui sont des arguments dont la logique apparente cache une volonté de manipuler (pour vendre, convaincre, justifier…).

Qu’il s’agisse d’une tentative de manipulation ou d’une erreur sincère, ces arguments trompeurs sont légion ! Apprendre à les identifier dans les discours politiques, la publicité, ou encore les informations contradictoires qui pullulent sur les réseaux sociaux, c’est apprendre à se protéger des influences extérieures. En bonus, c’est aussi un excellent moyen d’apprendre à mieux raisonner et argumenter toi-même !

Pour t’aider à repérer ces arguments et mieux t’en prémunir, passons en revue quelques-uns des plus fréquents que l’on rencontre en politique (notamment).

  1. La généralisation hâtive

Cet argument fallacieux consiste à tirer une conclusion générale à propos d’un groupe sur base d’un cas isolé, trop limité pour être représentatif. Il s’appuie sur notre tendance naturelle à catégoriser et à déduire des règles en partant d’un échantillon. Pourtant, si c’est un moyen rapide d’apprendre des choses sur le monde qui nous entoure, c’est aussi une source courante d’erreur de jugement ! En politique, certaines personnalités vont parfois sous-entendre que les chômeurs sont fainéants, d’autres que les immigrés commettent des actes de délinquance… Pourtant, le nombre de chômeurs dépend plus du contexte économique que des changements de mentalité dans la population, et les endroits du monde où la criminalité est particulièrement élevée n’accueillent pas plus d’immigrés qu’ailleurs. Bref, méfie-toi des gens qui mettent tout le monde dans le même sac sur base du seul critère qui les arrange.

2.L’effet cigogne : corrélation ne veut pas dire causalité

Ce terme désigne notre tendance à établir, à tort, un lien de causalité entre deux événements qui sont simplement corrélés. Des milliards d’évènements se produisent et se répètent chaque jour dans le monde. Inévitablement, certains arrivent en même temps, ou se succèdent directement. L’esprit humain est alors tenté de voir un lien entre ces choses, et plus particulièrement un lien de causalité (un élément est la cause de l’autre). Et pourtant, si les coïncidences nous semblent parfois troublantes, elles existent, et elles sont mêmes très courantes ! Prenons cet exemple : savais-tu que plus on mange des glaces, plus il y a de noyades ? Pas de panique, les glaces n’y sont pour rien ! La cause commune, c’est l’été. Cet exemple est simple, mais lorsqu’en politique, tu entends qu’il y a plus de criminalité dans une ville où il y a plus d’étrangers, la cause commune est peut-être économique : la pauvreté peut engendrer de la criminalité, et des personnes étrangères au comportement irréprochable peuvent n’avoir d’autre choix que d’habiter des villes ou quartiers paupérisés par manque de moyens financiers.

3.La pente glissante

Il s’agit d’une exagération anticipée de conséquences, qui traduit tantôt une crainte (argument fallacieux sincère) ou qui tente de véhiculer la peur (argument fallacieux volontaire). Pour illustrer ce crescendo de conséquences imaginaires, on peut citer des sujets récurrents en politique tels que la légalisation du cannabis (« si on le légalise, les jeunes se mettront à la cocaïne et à l’héroïne, et on devra les légaliser aussi »),  les récentes polémiques avec l’EVRAS (« à force de parler d’orientation et de genre, on va finir par perturber les enfants »), ou l’emballement des réseaux sociaux durant la crise sanitaire du Covid (« d’abord on nous confine, demain on n’aura plus de libertés »).

4.Le faux dilemme

Parfois appelé « fausse alternative », cet argument fallacieux désigne le fait de présenter deux solutions à un problème comme si elles étaient les seules possibles, alors que ce n’est pas le cas : la plupart des phénomènes ont des causes multiples, et de nombreux problèmes peuvent être abordés sous différents angles. Pourtant, il est très courant que les causes ou les solutions à un problème soient présentées sous une forme réductrice, qui arrange l’auteur ou témoigne de son manque de perspective. Un exemple frappant en politique reste celui de Georges W. Bush, président américain lors de l’invasion de l’Irak en 2003, qui avait dit aux autres pays « vous êtes soit avec nous, soit avec les terroristes ». On peut également souvent entendre des affirmations telles que « si vous n’êtes pas de gauche, vous êtes forcément de droite » ou encore « soit on interdit le voile, soit on laisse place à l’extrémisme religieux ». Voilà qui laisse peu de place à la nuance.

5.L’appel à la popularité (ad populum)

Ce procédé consiste à valider une idée en clamant qu’elle est admise comme vraie par une majorité de personnes. Cependant, la majorité n’a pas toujours raison, or il est courant de s’exprimer en son nom pour appuyer un argument. En politique comme en publicité, vous rencontrerez souvent des arguments tels que « 86% des Belges pensent que… ». Parfois, l’appel à la popularité est moins flagrant. Par exemple, les partis aux extrêmes du spectre politique (gauche comme droite) se disent souvent parti « populaire » ou représentant le peuple. Parallèlement, les partis dits « traditionnels » ont tendance à marginaliser leurs concurrents, comme s’ils incarnaient la norme face à une minorité qui cherche à manipuler un électorat crédule. Plus généralement, l’appel à la popularité consiste à invoquer la raison du nombre, ce qui mobilise nos tendances grégaires et conformistes. Pourtant, la quantité rime-t-elle toujours avec qualité ?