Quelques rappels utiles sur la discrimination !

20 mai 2023 (Modifié le 22 mai 2023) News juridique

Que ce soit au sein des établissements scolaires ou académiques, sur le lieu de travail, en rue, sur les réseaux sociaux ou encore lors de la recherche d’un logement : la discrimination touche tous les niveaux de la vie en société. La discrimination, c’est le « traitement injuste ou inégal d’une personne sur base de caractéristiques personnelles »[1]. Afin de mieux repérer les situations de discriminations, nous proposons de vous donner un aperçu des critères de discrimination (dits « protégés ») et de nous pencher sur les différents aspects que peut prendre la discrimination (discrimination directe, indirecte, harcèlement discriminatoire, …). Nous aborderons également les sanctions applicables ainsi que les manières de signaler une discrimination (en tant que victime ou témoin).

Le cadre législatif

La législation anti-discrimination existe en Belgique tant au niveau fédéral qu’au niveau des communautés et régions. Des mécanismes de protection existent également aux niveaux européen et international. Plutôt que d’en donner un aperçu exhaustif, nous proposons de reprendre le cadre législatif de base à avoir à l’esprit lorsqu’il est question de discrimination.

Au niveau international

Citons notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) du 16 décembre 1966[2] et la Convention relative aux droits de l’enfant. Ce dernier texte dispose que les droits énoncés dans la Convention doivent être garantis par les Etats signataires à tout enfant « sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation »[3].

En ce qui concerne la discrimination sur la base du sexe, on peut citer la Convention des Nations Unies du 18 décembre 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[4].

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales du 21 décembre 1965 réglemente la discrimination sur la base du critère protégé de la race[5].

En ce qui concerne plus spécifiquement la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, relevons notamment qu’il existe une série de principes (= principes de Yogyakarta) sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Parmi ces principes, on retrouve le droit à l’égalité et à la non-discrimination[6].

Au niveau européen

Deux instruments méritent d’être mentionnés ici. Le premier, la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), mentionne expressément l’interdiction de discrimination[7]. Le second, la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union européenne, prévoit également, en son Titre III (« Egalité »), l’interdiction de discrimination fondée sur l’un des critères protégés[8]. L’article 23 de la Charte consacre, en particulier, l’égalité entre les femmes et les hommes.

Au niveau belge

La législation anti-discrimination se retrouve à tous les niveaux de l’Etat : fédéral, communautaire et régional.

L’article 11 de la Constitution belge prévoit que la « jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination »[9]. L’article 10 consacre quant à lui le principe d’égalité, notamment l’égalité entre les femmes et les hommes.

Citons également la loi « Antidiscrimination »[10], la loi « genre »[11] et la loi « Antiracisme »[12], qui figurent toutes les trois parmi les principales lois anti-discrimination adoptées au niveau fédéral.

La Fédération Wallonie-Bruxelles a aussi, à son échelle, adopté un décret du 12 décembre 2008 visant à lutter contre certaines formes de discrimination. Ce décret s’applique à un ensemble de domaines (l’enseignement, les relations d’emploi, la santé, …)  et interdit toute discrimination fondée sur l’un des critères protégés (nationalité, âge, sexe, identité de genre, expression de genre, …). Quant à la Région Wallonne, elle a également adopté un décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination[13]

Les critères protégés

Chacun de ces textes interdit la discrimination sur la base d’un ensemble de critères de discrimination. Par critères de discrimination, on entend les différentes formes que peut prendre la discrimination et les caractéristiques personnelles sur lesquelles elle peut se fonder. Parmi ces critères dits « protégés », on peut citer notamment :

  • Les critères dits raciaux (la prétendue race, la couleur de peau, les origines ethniques ou nationales, la nationalité, l’ascendance [juive]) : ce critère pourrait être invoqué par une personne avec qui un propriétaire refuse de conclure un contrat de bail en raison de sa couleur de peau.
  • L’âge : ce critère pourrait être invoqué par une personne qui n’a pas pu postuler à une offre d’embauche parce qu’elle impliquait de satisfaire à une catégorie spécifique d’âge (par exemple, entre 30 et 40 ans).  
  • Les convictions philosophiques ou religieuses : il s’agit, par exemple, d’une personne qui ne serait pas retenue pour un emploi parce qu’elle porte un couvre-chef.
  • Les convictions politiques ou syndicales : ce critère pourrait être invoqué par une personne qui serait licenciée en raison de son adhérence à un certain parti politique ou un syndicat.
  • La fortune : par exemple, un propriétaire qui met son bien en location indique un plafond de revenus minimal, excluant ainsi de facto un candidat locataire qui perçoit un revenu d’intégration sociale.
  • L’orientation sexuelle : une personne licenciée parce que son patron apprend qu’elle est homosexuelle pourrait se fonder sur ce critère.
  • Le sexe[14] : par exemple, une personne qui se voit refuser l’accès à un poste parce qu’elle est une femme.
  • Le genre[15] : il s’agit, par exemple, d’une personne trans qui se voit refuser l’accès à un poste[16].
  • L’origine sociale : ce critère pourrait être invoqué par une personne qui se verrait refuser un poste parce que ses parents sont issus de la classe ouvrière.
  • Le handicap : ce critère pourrait être invoqué par une personne en chaise roulante qui ne pourrait accéder à son lieu de travail car celui-ci ne dispose pas d’une rampe d’accès.
  • Les caractéristiques physiques ou génétiques : ce critère pourrait être invoqué par une personne qui se verrait refuser un poste comme vendeur dans un magasin parce qu’elle présente de multiples cicatrices sur le visage.
  • La langue : ce critère pourrait être invoqué par une personne qui se verrait refuser l’accès à un logement en raison d’un accent perceptible lorsqu’elle parle le français.

Les organismes compétents

Attention : les mêmes organismes ne sont pas compétents pour lutter contre les discriminations fondées sur l’ensemble des critères protégés.

Ainsi, au niveau belge, c’est le Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) qui est compétent pour la majorité de ces critères. L’institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes est, quant à lui, uniquement compétent pour lutter contre les discriminations fondées sur le sexe ou le genre. Petite particularité pour la discrimination fondée sur la langue : aucun organisme n’a, à ce jour, reçu ce critère dans son panier de compétences.

Le champ d’action

Les critères protégés peuvent varier en fonction du champ d’action de la législation en question. Ainsi, au niveau fédéral, la loi « Antidiscrimination » peut être invoquée dans le cas d’une discrimination fondée sur les critères dits raciaux (énumérés ci-dessus), l’âge, les convictions philosophiques ou religieuses, les convictions politiques ou syndicales, la fortune, l’orientation sexuelle, l’origine sociale, le handicap, l’état civil, l’état de santé, les caractéristiques physiques ou génétiques, la naissance, l’origine sociale ou la langue.

La loi « genre » peut être invoquée dans le cas d’une discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre. Le champ d’application de cette loi s’étend également à la grossesse, l’allaitement, l’adoption, la procréation médicalement assistée (PMA), …

La loi « Antiracisme » peut être invoquée dans le cas d’une discrimination fondée sur l’un des critères dits raciaux.

Aspects de la discrimination

Le terme « discrimination » s’entend sous différents aspects.

Discrimination directe

Par discrimination directe, il faut entendre une distinction directe, fondée sur l’un des critères protégés. On parle de distinction directe lorsqu’une personne est traitée d’une manière moins favorable qu’une autre et que cette distinction est fondée sur l’un des critères protégés par la loi. Par exemple : un employeur refuse d’embaucher une femme en raison de son sexe.

Pour qu’il y ait discrimination (qu’elle soit directe ou indirecte), précisons déjà que la distinction effectuée ne peut pas être justifiée (pour les justifications qui peuvent être invoquées, voyez ci-dessous).

Discrimination indirecte

Par discrimination indirecte, il faut entendre une distinction indirecte, fondée sur l’un des critères protégés. On parle de distinction indirecte lorsqu’une mesure (une loi, un décret, une pratique, un règlement, une politique, …) n’a a priori pas de caractère discriminatoire -elle se veut neutre-, mais qu’elle engendre des discriminations dans la pratique, dans sa mise en œuvre. En d’autres termes, ce n’est pas la mesure adoptée, mais son résultat, qui crée une discrimination. Par exemple : une personne étrangère cherche un emploi en Belgique. Elle se voit refuser l’accès à un poste, qui nécessite un diplôme belge. Elle pourrait invoquer une discrimination indirecte.

Sont également interdits et considérés comme des discriminations en soi : l’injonction à discriminer, le harcèlement discriminatoire, ainsi que le refus de mettre en place des aménagements raisonnables. Nous passons rapidement en revue ces aspects ci-dessous.

Injonction à discriminer

L’injonction à discriminer implique d’obliger quelqu’un à discriminer. C’est le cas d’un propriétaire qui donnerait pour instruction à l’agence immobilière qui s’occupe de la mise en location du bien de ce propriétaire, de refuser toutes les candidatures de personnes d’origine étrangère.

Harcèlement

Le harcèlement discriminatoire vise un comportement indésirable lié à l’un des critères protégés, et qui a pour but ou pour conséquence de porter préjudice à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Par exemple : un patron qui ferait des commentaires sexistes et humiliants à l’une de ses employées.

Aménagements raisonnables

La loi impose de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur des personnes porteuses d’un handicap. Il est question de discrimination lorsque la personne ou l’institution chargée d’adopter ces aménagements, s’y refuse alors que la mise en place de tels aménagements n’impliquerait pas une charge disproportionnée. Par exemple : une enseignante atteinte de sclérose en plaque sollicite des aménagements raisonnables auprès de son employeur pour qu’elle puisse continuer à travailler. Si les aménagements sollicités ne sont pas déraisonnables, le refus de l’employeur de les mettre en place est dans ce cas considéré comme discriminatoire.

Justifications

Dans certains cas, il est admis que la discrimination puisse être justifiée.

Ainsi, une discrimination directe ou indirecte n’est pas interdite et, par conséquent, punissable, si elle est objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser ce but sont appropriés et nécessaires.

Une discrimination sur la base d’un handicap n’est pas interdite et, par conséquent, punissable, s’il peut être démontré que la mise en place d’aménagements raisonnables présenterait une charge disproportionnée pour la personne ou l’institution chargée d’adopter de tels aménagements.

Dans certains cas, une discrimination peut aussi être justifiée parce qu’elle engendre une action positive. Par exemple : instaurer des quotas à l’embauche pour permettre aux femmes d’accéder au marché de l’emploi. Pour que la mesure puisse être justifiée, elle doit toutefois satisfaire à un certain nombre de conditions (notamment, être temporaire ou encore ne pas restreindre inutilement les droits d’autrui).

Dans d’autres cas, une mesure qui impliquerait une discrimination envers une certaine catégorie de personnes peut être raisonnablement justifiée pour atteindre un but légitime. Ainsi, la fixation d’un âge d’admissibilité à des prestations sociales (pension, allocations d’invalidité, allocations d’insertion, …) ne constitue pas une discrimination.

Sanctions

S’il y a discrimination fondée sur l’un des critères protégés et qu’elle ne peut pas être justifiée, cette discrimination est interdite et donc punissable. Les types de sanctions (dédommagement, amende, emprisonnement, …) varient en fonction des différentes législations applicables.

Bon à savoir : la personne qui s’estime victime d’une discrimination invoque devant le juge compétent les faits permettant de présumer l’existence d’une discrimination. C’est ensuite à la personne à qui la victime reproche une discrimination d’apporter la preuve qu’elle n’a pas discriminé. Cette charge de la preuve partagée (= dès qu’il y a présomption de discrimination, c’est à l’autre de prouver qu’elle n’a pas discriminé) permet de garantir les droits de la victime invoquant une discrimination.

Signalement

Les victimes ou témoins d’actes de discrimination peuvent s’orienter vers les organismes suivants :

  • Unia répond aux signalements de victimes ou témoins de discriminations et cherche dans un premier temps des solutions à l’amiable, en dehors de l’intervention d’un juge. Si la conciliation n’aboutit pas, Unia est mandaté pour agir en justice. Pour signaler une situation de discrimination, vous pouvez consulter le lien suivant.
  • peut répondre à des consultations individuelles, recueillir les plaintes de victimes de discrimination sur la base du sexe ou du genre et est aussi mandaté pour agir en justice. Le formulaire de signalement est accessible via ce lien.
  • Il est également possible de se tourner vers le service d’aide aux victimes d’infractions pénales, dont les coordonnées sont accessibles ici.

Sources

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Dernière mise à jour : 11 mai 2023

Dans cette news juridique, le masculin est utilisé comme genre neutre et désigne aussi bien les femmes que les hommes.

En aucun cas, la Fédération Infor Jeunes Wallonie-Bruxelles, ou les personnes travaillant en son sein, ne pourront être tenues responsables d’éventuels préjudices découlant des informations prodiguées par les juristes de la FIJWB. En effet, bien que notre objectif soit de diffuser des informations actualisées et exactes, celles-ci ne peuvent être considérées comme faisant juridiquement foi.


[1] Définition reprise sur le site du Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia), en suivant ce lien.

[2] Articles 2, § 1er et 26 du PIDCP.

[3] Article 2, § 1er de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant. Pour le lien vers le texte de la Convention, c’est par ici.

[4] Pour le lien vers le texte de la Convention, c’est par ici.

[5] Le texte de la Convention peut être consulté sur cette page.

[6] Principe n°2 : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits humains, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (…) ».

[7] Voyez l’article 14 de la CEDH, qui peut être consulté sur cette page.

[8] Voyez l’article 21 de la Charte, qui peut être consulté sur cette page.

[9] Titre II de la Constitution belge (« Des belges et de leurs droits »).

[10] La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination.

[11] La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, qui reprend notamment l’identité de genre et/ou l’expression de genre parmi les critères protégés.

[12] La loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, telle que modifiée par la loi du 10 mai 2007

[13] Le texte est accessible via ce lien.

[14] Quand on parle de sexe, on vise un ensemble de caractéristiques biologiques qui permettent de classer (= ranger) les êtres humains en deux catégories : « mâle » ou « femelle ». Il faut garder à l’esprit que cette distinction se fait de manière assez automatique, sur la base de la différence entre les organes génitaux externes (un homme a un pénis ; une femme a un vagin). Cette représentation binaire (soit l’un, soit l’autre), nie la réalité des personnes intersexuées, qui ont des caractéristiques sexuelles à la fois mâles et femelles. Ces caractéristiques ne se limitent pas aux organes génitaux externes, mais peuvent aussi viser les hormones, les chromosomes, …

[15] Le sexe se distingue du genre. Le genre est construit socialement, ce qui explique qu’il peut varier (= changer) en fonction des époques, de la société dans laquelle vit une personne, de la culture, … En résumé, le genre désigne des rôles, des comportements ou encore des traits de caractères qui sont, à un moment donné et à un endroit donné, attribués à un homme, une femme ou une personne non-binaire.

[16] Une personne trans est une personne dont l’identité de genre et/ou l’expression de genre diffère de celle habituellement associée au genre qui lui a été assigné (= donné) à la naissance. L’identité de genre vise le genre dans lequel une personne se reconnait. Il ne s’agit pas nécessairement du genre qui lui été assigné (= donné) à la naissance. L’expression de genre renvoie, quant à elle, aux différentes manières (vêtements, attitudes, coiffure, langage, etc.) dont les personnes expriment leur identité de genre, et à la manière dont celle-ci est perçue par les autres. Pour une définition de ces différents termes, n’hésitez pas à consulter le glossaire compilé par l’association Genres Pluriels.

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