Avoir ses « ragnagnas », ses « trucs » ou encore « ses ours », bref, ses règles, pour ne pas les nommer, c’est une réalité pour une partie importante de la population. Une réalité qui rime avec changements hormonaux, douleurs abdominales mais surtout une perte de sang qui nécessite l’achat de protections hygiéniques. Cependant, encore aujourd’hui, de nombreuses femmes se retrouvent dans l’incapacité de se procurer ces protections périodiques, c’est ce qu’on appelle la précarité menstruelle.
Les ragnagnas en quelques chiffres
En moyenne, on estime, qu’à raison d’un cycle tous les 28 jours, une femme vivra jusqu’à 500 cycles menstruels et aura ses règles durant 38 ans (entre 13 et 51 ans). En Belgique, elles sont environ 2,7 millions de femmes à être concernées, soit 23,5% de la population belge.
Le budget moyen à y consacrer est difficile à évaluer car il dépend de nombreux facteurs : achats de protections hygiéniques, d’antidouleurs, de nouveaux sous-vêtements, visites gynécologiques en cas de problèmes, etc. Cependant, on estime qu’un cycle menstruel coûterait entre 7,50€ et 10€ par mois. Ce montant peut paraître anodin pour certaines, mais il s’agit d’une dépense non-négligeable lorsqu’on se trouve dans une situation précaire.
Aujourd’hui, la précarité menstruelle concerne de nombreuses femmes : en Belgique, 350 000 femmes vivent notamment sous le seuil de pauvreté, parmi elles de nombreuses étudiantes – la Fédération des étudiants francophones (FEF) estimant le nombre d’étudiants en situation précaire à 80 000. Ces femmes se retrouvent bien souvent dans l’incapacité, par manque d’accès ou de moyens financiers, de se procurer des protections hygiéniques.
Précarité menstruelle : quelles conséquences ?
Les conséquences de cette précarité menstruelle sont multiples :
1) Elles peuvent être d’ordre sanitaire : fabrication artisanale de protections périodiques (papier journal, essuie-tout, chaussettes, etc.), risque de développer des infections ou le syndrome du choc toxique du fait de garder trop longtemps une même protection, obligation de choisir entre se nourrir et s’acheter des produits périodiques, etc.
2) Elles peuvent être d’ordre social : mise en danger en cas de vol de produits, exclusion sociale des femmes qui, faute de protections, sont nombreuses à ne pas se rendre à l’école ou au travail lorsqu’elles ont leurs règles, favorisant ainsi le décrochage scolaire et la désinsertion socioprofessionnelle.
Où en est la Belgique dans la lutte contre la précarité menstruelle ?
En Belgique, de nombreuses associations, dont BruZelle ou encore Belges et culottées, luttent activement contre la précarité menstruelle, notamment par l’interpellation des politiques en faveur de la gratuité des protections hygiéniques et par la distribution gratuite de tampons, serviettes, etc.
Aujourd’hui, le sujet semble être sur la table au sein des politiques et porte doucement ses fruits :
- En 2017, la Belgique franchissait une première étape en faveur de la lutte contre la précarité menstruelle en diminuant le taux de TVA de 21% à 6% sur les produits menstruels, les considérant dès lors comme des produits de première nécessité.
- En 2020, une proposition de résolution visant à assurer la gratuité des protections hygiéniques a été déposée à la Chambre.
- Début 2021, une proposition de résolution visant la mise à disposition gratuite de protections hygiéniques dans les écoles primaires, secondaires et supérieures a été déposée au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Où se procurer des protections hygiéniques gratuites ?
- L’association Bruzelle (www.bruzelle.be) collecte et redistribue gratuitement des protections hygiéniques dans divers points de collecte répartis un peu partout en Belgique (Bruxelles, Namur, Charleroi, Gand, Dison, etc.).
- Les centres de Planning Familial proposent généralement gratuitement des tampons et serviettes hygiéniques dans leurs salles d’attente.
- À travers le projet « Sang Soucis », les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) de Liège, en collaboration avec les Centres de Planning Familial de Liège, Spa et Verviers, proposent également des points de récolte de protections hygiéniques dans la province de Liège afin de les redistribuer aux personnes dans le besoin. La liste des points de dépôts est disponible ici.
- Depuis 2021, le projet Take Away, initié par la Ville de Liège et l’ASBL CRH et qui consiste à distribuer des kits d’hygiène aux étudiants liégeois, s’est également associé à la campagne « Sang Soucis » et met à disposition des étudiantes des protections périodiques gratuites.
Bibliographie
V. DE SMET, C. MONTAY, « Que fait le gouvernement belge contre la précarité menstruelle ? », VICE, 22 février 2021, [en ligne :] https://www.vice.com/fr/article/akd9ng/que-fait-le-gouvernement-belge-contre-la-precarite-menstruelle, consulté le 23 novembre 2021.
R. LEJEUNE, « Précarité menstruelle, où en est la Belgique ? », CPCP ASBL, avril 2021, [en ligne :] http://www.cpcp.be/wp-content/uploads/2021/04/precarite-menstruelle.pdf, consulté le 23 novembre 2021.
A. IRRIEN, « Précarité menstruelle, quand l’intimité féminine a un prix », Alter Echos, 28 mars 2019, [en ligne :] https://www.alterechos.be/la-precarite-menstruelle-quand-lintimite-feminine-a-un-prix/, consulté le 19 novembre 2021.
« Précarité menstruelle, des initiatives déjà mises en place », Fédération des Centres de Planning Familial des FPS, [en ligne :] https://www.planningsfps.be/precarite-menstruelle-des-initiatives-deja-en-place/, consulté le 23 novembre 2021.